Un entrepreneur briançonnais du 18e siècle prend la plume. 

 

Mise à jour novembre 2024

 

 Antoine Caire-Morand est un industriel originaire de Briançon. Il a créé dans sa ville de naissance une manufacture de cristal de roche et autres pierres précieuses en 1778, dix ans avant que n'éclate la Révolution française. Son entreprise est un défi audacieux, car Briançon est alors une petite ville éloignée de tout centre urbain important qui pourrait faciliter l'approvisionnement en machines et en ouvriers, et les échanges commerciaux.

 

Briançon au début du 19e siècle. CASSIEN et DEBELLE, Album du Dauphiné. ADHA  

Après des débuts prometteurs, la Révolution marque un coup d'arrêt pour la manufacture d'Antoine Caire-Morand, et ce personnage atypique tombe peu à peu dans l'oubli. Mais avant de partir à Turin où nous perdons sa trace, Antoine Caire-Morand a tout fait pour que sa manufacture reprenne du service. Pour convaincre le préfet des Hautes-Alpes de l'utilité de son activité, il lui écrit en 1802 un mémoire, où il raconte son histoire. Ses efforts pourtant ne seront pas couronnés de succès.


debut memoire caire morandLe début du Mémoire d'Antoine Caire-Morand. ADHA, cote C27

 

C'est ce mémoire, découvert et retranscrit par deux historiens haut-alpins, qui sort Antoine Caire-Morand de l'oubli dans les années 1870, près de 50 ans après sa mort. 

 

Redécouverte

 

L'historien briançonnais Jean-Armand Chabrand est le premier à consacrer une biographie à Antoine Caire-Morand en 1874. L'archiviste Paul Guillaume lui emboite le pas en 1883 et 1885, en publiant des documents inédits conservés aux Archives départementales des Hautes-Alpes :

Avec M. le docteur Chabrand, on peut dire que l’Autobiographie de Caire-Morand est une « nouvelle page à inscrire au martyrologe des inventeurs…». C’est, en effet, l’histoire émouvante d’un des artistes les plus originaux du XVIIIe siècle, qui « excella dans l’art de tailler les pierres précieuses » et qui, après 40 ans de prodiges d’activité, de tentatives, de patriotisme, est tombé dans l’obscurité la plus complète… On ignore jusqu’à l’année précise de sa mort ! 1

 

Atelier d'un lapidaire au début du 19e siècle. BRARD C.-P., Traité des pierres précieuses (...). BnF

 

Le manuscrit de Caire-Morand, intitulé Mémoire historique de la manufacture de cristal de roche, nous informe sur sa jeunesse et sa formation. Antoine Caire-Morand y donne aussi des détails sur l'établissement qu'il a fondé, sur son originalité, et prodigue des conseils concrets aux futurs entrepreneurs. Il finit par le plan d'une manufacture idéale de son invention. Paul Guillaume a édité le mémoire sous le titre Autobiographie de Caire-Morand.  

 

schema caire morand memoire Le plan d'une manufacture idéale imaginée par Caire-Morand. La version imprimée dans l'Autobiographie de Caire-Morand. ADHA

 

Les biographes de Caire-Morand ont insisté sur son patriotisme. En effet il a nourri pour Briançon de grandes ambitions : il a imaginé pour sa petite cité des Alpes un rayonnement européen en voulant en faire la « pépinière des lapidaires », comme Bruges était à l'époque la ville des diamantaires. 

 

Postérité

 

Est-ce que le travail des pierres précieuses a survécu à la fermeture de la manufacture à Briançon ? Quelques ouvriers de la fabrique ont continué à tailler le cristal de roche dans la première partie du 19e siècle. Le Journal d'agriculture et des arts pour le département des Hautes-Alpes de mai 1809 porte témoignage de la « fabrique de cristallerie » d'un certain Jean-Baptiste Fine. L'activité a ensuite périclité.

 

fine lapidaire villardADHA

 

temoignage caire morand carre estompe

les liens

 

 

temoignage caire morand carre estompe

les références

 

1 GUILLAUME Paul, Autobiographie de Caire-Morand, 1883, p. 3.

 

ADHA : source archives.hautes-alpes.fr / Archives départementales des Hautes-Alpes

BnF : source gallica.bnf.fr / BnF